Tout d’abord, le RIL reconnait que son milieu d’intervention est un territoire autochtone non cédé.
Nommé à l’origine Teiontiakon, Pointe-Saint-Charles est le plus ancien quartier de Montréal après le Vieux-Montréal. Situé dans l’arrondissement Le Sud-Ouest, il est délimité par le fleuve Saint-Laurent au sud, à l’ouest par l’autoroute 15, au nord par le canal de Lachine et à l’est par l’autoroute Bonaventure.
Entre 1931 et 1991, la fermeture du canal de Lachine et le déclin de sa fonction industrielle ont entraîné une dégradation drastique des conditions de vie et un exode de la population locale qui est passé de 30 000 à 13 000 habitant.e.s. Aujourd’hui, l’ironie du sort fait que la réouverture et le réaménagement de ce canal sont les leviers d’un remodelage du quartier basé cette fois-ci sur des mégaprojets immobiliers qui excluent davantage les ménages vulnérables et mettent la population locale encore une fois face au défi du maintien dans leur quartier. La prolifération des condominiums, les augmentations excessives de loyer, les reprises de possession, les conversions des logements et la diminution de la portion des logements sociaux sont les éléments de conjoncture qui accélèrent actuellement l’érosion du tissu social local et mettent en péril l’identité du quartier.
De nos jours, Pointe-Saint-Charles compte une population de 14 915 habitant.e.s. Les ménages locataires constituent plus des deux-tiers (67,9 %) de tous les ménages du quartier. La portion de ces ménages est cependant en baisse, elle est passée de 77% en 2006 à 72,4 % en 2011. En contrepartie le nombre des ménages propriétaires du quartier a augmenté de 29.4% entre 2011 et 2016.
1520 ménages locataires consacrent plus de 30% de leur revenu pour se loger. Ce chiffre est supérieur à ce que le Canada considère comme un taux d’effort limite, au-delà duquel on doit couper dans d’autres dépenses de base pour se loger. 660 ménages locataires voient plus de 50% de leur revenu s’engouffrer dans leur loyer et 280 ménages parmi eux risquent l’itinérance puisque c’est 80% de leur revenu y passe.
L’écart entre le revenu annuel médian des ménages locataires et celui des ménages propriétaires et de 51 233 $. Les secteurs à fort revenu sont principalement situés au nord tandis que ceux à bas revenus se situent surtout à l’ouest et à l’extrême sud du quartier. Le nombre des résident.e.s ayant un revenu de 60 000 $ et plus a augmenté de 267,2 % entre 2005 et 2015. En parallèle, le nombre des condominiums a augmenté de 70,5% entre 2011 et 2016.
Pointe-Saint-Charles témoigne d’une dichotomie socio-économique qui s’élargit proportionnellement à l’avancée de son embourgeoisement, qui impose une substitution de la population traditionnelle par une nouvelle population bien dotée en capital financier, social et culturel. Côté face, les condos se multiplient, la valeur foncière s’enflamme et la spéculation immobilière carbure. Côté pile, le parc locatif abordable du quartier s’effrite, les loyers augmentent, les commerces de proximité ferment, les ménages à faible revenu sont poussés à quitter le quartier ou s’efforcent encore d’y vivre avec un sentiment de dépossession et d’exclusion grandissant.
Dans ce contexte, le logement social constitue le dernier rempart contre ce déplacement latent des ménages moins nantis. Cependant, cette fonction-là est de plus en plus compromise à cause de la diminution du ratio des logements sociaux du quartier et de leur indépendance des grands projets immobiliers privés.